Ça se passe à Alfortville
Les Cigales, investisseurs anges gardiens des projets solidaires
Financer les projets de l’économie sociale et solidaire (ESS), tel est l’objectif des Cigales (Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire).
Ce mercredi 30 septembre, près d’une cinquantaine de Cigaliers d’Ile-de-France, noms des membres de ces clubs locaux, avaient investi la salle de convivialité du Pôle culturel d’Alfortville pour rencontrer les porteurs d’initiatives dans le cadre d’une bourse aux projets. Seize Cigales étaient ainsi représentées dont plusieurs du Val-de-Marne comme celles d’Alfortville et du Val-de-Bièvre.
Bière locale, micro-pousses, espace de coworking
Ordinateurs portables allumés, les yeux rivés sur les tableaux de gestion, les petits épargnants étudient ensemble les différents investissements proposés. Place ensuite au défilé des porteurs de projet. En huit minutes chrono, les entrepreneurs sociaux présentent leur structure et tentent de convaincre une ou plusieurs Cigales d’entrer directement dans leur capital. Dans ces clubs de cinq à vingt personnes, chaque membre verse tous les mois de l’argent sur le compte de la Cigale afin de constituer un fonds propre avec lequel ils investiront dans des entreprises ou associations. En moyenne, les Cigaliers franciliens épargnent 22 euros par mois.
Se succèdent au micro Raphaël de Suzzoni et son « Crêpes car », un foodtruck de crêpes et smoothies à partir de fruits abîmés, Christian Laloué et son projet de bière gastronomique et locale « Nobody else« dans le Val-de-Marne, Gérard Munier et Benoît Liotard pour « Le Paysan urbain », une production de micro-pousses en milieu urbain… Durant leur speech, ils évaluent leur demande de financement auprès des Cigales, de l’ordre de 3000 à 15 000 euros. Garrigue, une société de capital-risque solidaire avec des moyens plus conséquents, est aussi présente dans la salle.
Des projets locaux
Michel Pierpaoli, par ailleurs élu EELV d’Alfortville, représente Cigalfortville. Avec ses douze autres membres, ils se réunissent une fois par mois ou tous les deux mois pour discuter des projets qu’ils pourraient financer et ceux en cours. Né début 2014, le club veut aider des structures « citoyennes, sociales et locales », avec une participation moyenne de 1000 à 1500 euros. « Nous sommes déjà engagés dans une structure dans laquelle les paysans peuvent fabriquer leurs machines eux-mêmes, l’Atelier paysan, en Seine-et-Marne », témoigne le Cigalier. Ce soir, c’est la fabrication de bière locale qui a retenu leur attention. Ils ont invité les entrepreneurs de « Nobody else », Christian et Laurent Laloué, à en dire plus sur leur breuvage artisanal lors d’une réunion de Cigalfortville. « Il s’agit de creuser un peu le projet avec eux et de voir si tout cela tient la route », indique Michel Pierpaoli. Car chaque Cigale a ensuite vocation à accompagner les dirigeants tout au long de leur développement. Autre club du le Val-de-Marne, la Cigale du Val-de-Bièvre réunit des amis, élus et citoyens multi-engagés. « Nous avons envie de booster des projets locaux et de valoriser ce qui se passe sur notre territoire », motive l’un de ses membres. Créée il y a plusieurs mois, la structure n’a pas encore investi. Elle se donne six à neuf mois pour se positionner sur des projets qui lui tiennent à cœur.
Comment ça marche ?
C’est en 1983, en Ile-de-France, qu’est née la première Cigale. Des réfugiés politiques indonésiens, cuisiniers de métier, voulaient ouvrir un restaurant à Paris. Sauf qu’aucune banque ne souhaitait leur accorder de financement. Pour investir, les futurs chefs du restaurant Indonésia (Paris 6e) ont utilisé une loi sur le financement des particuliers aux entreprises cotées en bourse afin de créer, avec leurs voisins, un club de micro-investisseurs. Aujourd’hui, on compte 230 clubs dans toute la France, principalement dans l’Ile-de-France, la Bretagne et le Nord Pas-de-Calais.
Avec 26 clubs actifs dont 13 dans la capitale, l’Ile-de-France regroupe 332 particuliers épargnants. « Ici, l’investissement moyen sur un projet est de 2 000 euros, contre 6 ou 7000 euros ailleurs en France », constate Coline Lorent, chargée de développement de Cigales Ile-de-France. L’association régionale sélectionne les projets à présenter aux investisseurs lors des bourses aux projets organisées tous les deux mois. « Les projets doivent rentrer dans notre charte : avoir une plus-value sociale, environnementale ou culturelle », précise Coline Lorent. Chaque Cigale est ensuite autonome dans ses choix d’investissement. L’association propose également des sessions de formation sur la lecture de comptes de résultats ou d’un bilan d’activité, la définition d’une Scop… pour accompagner les Cigaliers dans leurs choix.
Investir son propre argent rapporte-t-il ? Ce n’est pas le but, répondent les Cigaliers qui n’octroient quasiment pas de rémunération. Par principe, les clubs ont une durée de vie de cinq ans, prorogeables une fois. Au terme des 5 ou 10 ans maximum, ils procèdent à la liquidation du portefeuille au prorata des apports des Cigaliers. Une durée bien calculée. Avant trois ans, rares sont les entreprises qui dégagent des bénéfices. En moyenne, 80% des structures portées par les Cigales tiennent au moins trois ans et 59% au moins cinq ans contre respectivement 62% et 49% pour l’ensemble des entreprises d’Ile-de-France (Insee). A ce jour, un peu plus de 200 entreprises soutenues par les Cigales franciliennes sont toujours en activité.
les-cigales-investisseurs-anges-gardiens-des-projets-solidaires,18-10-2015.html